Le patrimoine foncier constitue un élément fondamental de la richesse en France, bien que souvent moins visible que d'autres formes d'investissement comme les actions ou l'immobilier bâti. Cette classe d'actifs, composée principalement de terres agricoles, de forêts, de terrains constructibles et non constructibles, représente une part significative du patrimoine national et demeure un véhicule d'investissement privilégié pour de nombreux Français. La discrétion entourant cette forme de richesse n'enlève rien à son importance stratégique, tant pour les particuliers que pour les entreprises ou les collectivités territoriales.
La valeur du foncier repose sur plusieurs facteurs conjugués : sa rareté intrinsèque (on ne crée pas de nouvelles terres), sa localisation (déterminante pour son potentiel de valorisation), et son cadre réglementaire (qui définit ses usages possibles). Cette combinaison en fait un actif particulièrement recherché dans un contexte où les préoccupations environnementales et la pression démographique redessinent constamment les équilibres territoriaux et économiques.
Les biens fonciers se distinguent également par leur résilience face aux fluctuations économiques, offrant souvent une protection contre l'inflation et une stabilité que peu d'autres classes d'actifs peuvent garantir. Cette caractéristique explique l'attrait qu'ils exercent auprès des investisseurs à la recherche de diversification patrimoniale et de perspectives de rendement à long terme.
Définition et caractéristiques des biens fonciers en france
Un bien foncier désigne une propriété immobilière non bâtie, c'est-à-dire un terrain nu sans construction, qu'il soit situé en zone urbaine, périurbaine ou rurale. En France, le droit de propriété foncière est encadré par le Code civil, qui précise que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements". Cette définition juridique souligne l'étendue des droits conférés au propriétaire, tout en rappelant les limites imposées par le cadre légal et réglementaire.
Les biens fonciers présentent plusieurs caractéristiques distinctives par rapport aux autres types d'actifs. Leur immobilité est la première d'entre elles : contrairement à de nombreux autres investissements, un terrain ne peut être déplacé, ce qui renforce l'importance de sa localisation dans sa valorisation. Leur pérennité constitue un autre trait fondamental : les terrains ne se déprécient pas avec le temps comme peuvent le faire des constructions ou des équipements.
La valeur des biens fonciers en France est fortement influencée par leur situation géographique. Ainsi, un terrain situé en région parisienne ou sur la Côte d'Azur aura généralement une valeur très supérieure à un terrain de superficie équivalente situé dans une zone rurale éloignée des centres économiques. Le prix moyen des terrains constructibles en France s'établit à environ 148 €/m² en 2023, mais cette moyenne masque d'importantes disparités territoriales, allant de moins de 50 €/m² dans certaines zones rurales à plus de 1 000 €/m² dans les métropoles les plus attractives.
L'investissement foncier représente aujourd'hui l'une des options patrimoniales les plus stables sur le long terme, offrant une protection contre l'inflation et une transmission efficace entre générations, tout en contribuant à l'aménagement du territoire national.
Une autre particularité des biens fonciers réside dans leur fiscalité spécifique, qui se distingue de celle applicable aux biens immobiliers bâtis. Cette fiscalité comprend notamment la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), dont le taux varie selon les communes, ainsi que des dispositifs particuliers pour certaines catégories de terrains, comme les terres agricoles ou les forêts, qui peuvent bénéficier d'exonérations ou d'abattements spécifiques.
Enfin, les biens fonciers se caractérisent par leur potentiel d'évolution en fonction des modifications de leur environnement juridique et urbanistique. Un terrain peut ainsi voir sa valeur multipliée par dix ou davantage s'il passe d'un statut non constructible à constructible dans le cadre d'une révision du Plan Local d'Urbanisme (PLU). Cette dimension spéculative constitue l'un des moteurs de l'investissement foncier, particulièrement dans les zones périurbaines ou en développement.
Classification et typologie des actifs fonciers
Les actifs fonciers se déclinent en plusieurs catégories, chacune répondant à des logiques économiques et réglementaires distinctes. Cette diversité offre aux investisseurs un large éventail d'opportunités, tout en complexifiant les stratégies d'acquisition et de gestion. Une compréhension approfondie de cette typologie est donc essentielle pour toute personne souhaitant se constituer un patrimoine foncier cohérent et performant.
Terrains constructibles vs non constructibles selon le PLU
La distinction entre terrains constructibles et non constructibles constitue une ligne de démarcation fondamentale dans l'univers foncier. Cette classification, déterminée par le Plan Local d'Urbanisme (PLU) ou, à défaut, par la carte communale, conditionne fortement la valeur et le potentiel d'un terrain. Un terrain constructible peut accueillir des bâtiments conformément aux règles d'urbanisme en vigueur, tandis qu'un terrain non constructible est généralement destiné à rester nu ou à recevoir uniquement des aménagements légers.
Le caractère constructible d'un terrain dépend de son zonage dans le PLU : les zones urbaines (U) et à urbaniser (AU) sont constructibles, tandis que les zones agricoles (A) et naturelles (N) sont généralement non constructibles, sauf exceptions limitées. Cette classification n'est pas définitive et peut évoluer au gré des révisions des documents d'urbanisme, créant ainsi des opportunités de plus-values significatives pour les investisseurs avisés.
Les terrains constructibles présentent généralement une valeur supérieure aux terrains non constructibles, avec un rapport de prix pouvant aller de 1 à 100 dans certaines régions. Cette différence s'explique par le potentiel de développement immobilier qu'ils offrent, qu'il s'agisse de logements, de bâtiments commerciaux ou d'infrastructures. La valeur d'un terrain constructible est également influencée par sa constructibilité , c'est-à-dire la surface de plancher qu'il est possible d'y édifier selon les règles d'urbanisme locales.
Biens agricoles et leur valorisation dans le beaujolais et la champagne
Les terres agricoles représentent environ 52% du territoire métropolitain français, soit près de 29 millions d'hectares. Cette catégorie de biens fonciers se caractérise par une grande diversité, tant en termes de qualité agronomique que de valorisation économique. Le prix moyen des terres agricoles en France s'établit à environ 6 000 €/hectare, mais ce chiffre masque d'importantes disparités régionales.
Dans des régions viticoles prestigieuses comme le Beaujolais ou la Champagne, la valeur des terres peut atteindre des sommets vertigineux. En Champagne, un hectare de vigne peut se négocier entre 1 et 2 millions d'euros, tandis que dans le Beaujolais, les prix oscillent généralement entre 150 000 et 400 000 €/hectare selon les appellations. Ces valorisations exceptionnelles s'expliquent par la renommée des appellations, la rareté des terroirs et les revenus potentiels générés par l'exploitation viticole.
La valorisation des terres agricoles dépend de plusieurs facteurs : la qualité agronomique du sol, l'accès à l'eau, la situation géographique, mais aussi les potentiels labels de qualité associés (AOC, AOP, IGP). Les terres céréalières de la Beauce ou les prairies d'élevage normandes n'obéissent pas aux mêmes logiques de valorisation que les vignobles prestigieux, mais constituent néanmoins des investissements fonciers recherchés pour leur rendement régulier et leur stabilité.
Forêts domaniales et exploitation sylvicole
Les forêts couvrent environ 31% du territoire français métropolitain, soit 17 millions d'hectares, dont 75% appartiennent à des propriétaires privés. Le patrimoine forestier constitue une catégorie d'actifs fonciers à part entière, caractérisée par son horizon d'investissement particulièrement long et sa multifonctionnalité (production de bois, biodiversité, loisirs, stockage de carbone).
Le prix moyen d'un hectare de forêt en France s'établit à environ 4 400 €, avec des variations importantes selon la région, les essences présentes et l'âge des peuplements. Les forêts de production, composées d'essences à croissance rapide comme le douglas ou le peuplier, se distinguent des forêts de prestige ou de chasse, dont la valorisation répond à d'autres logiques que la simple productivité sylvicole.
L'exploitation sylvicole constitue la principale source de revenus directs des propriétaires forestiers, à travers la vente de bois d'œuvre, de bois d'industrie ou de bois énergie. Le rendement annuel moyen d'une forêt productive se situe généralement entre 1% et 3% de sa valeur, auquel s'ajoute une croissance biologique qui contribue à l'appréciation du capital sur le long terme. Des dispositifs fiscaux avantageux, comme l'exonération partielle de droits de succession (dispositif Monichon) ou le régime simplifié d'imposition des revenus forestiers, renforcent l'attractivité de cette classe d'actifs.
Patrimoine foncier urbain et zones d'aménagement concerté (ZAC)
Le foncier urbain constitue la catégorie d'actifs fonciers la plus valorisée au mètre carré, en raison de sa rareté et de son potentiel de développement immobilier. Ce segment comprend les terrains à bâtir en zone urbaine, mais aussi les friches industrielles, les dents creuses et les terrains susceptibles de faire l'objet d'opérations de renouvellement urbain.
Les Zones d'Aménagement Concerté (ZAC) représentent un cas particulier de valorisation foncière urbaine. Ces opérations d'urbanisme, initiées par une collectivité publique, permettent de transformer des terrains bruts en terrains viabilisés et constructibles dans le cadre d'un projet d'aménagement global. Pour les propriétaires de terrains inclus dans le périmètre d'une ZAC, cette procédure peut entraîner une valorisation significative, même si elle s'accompagne souvent de contraintes en termes de cession ou d'aménagement.
Le foncier urbain se caractérise par sa forte sensibilité aux cycles immobiliers et aux politiques d'urbanisme. Les métropoles les plus dynamiques comme Paris, Lyon, Bordeaux ou Nantes ont ainsi connu des hausses de prix spectaculaires ces dernières années, avec des terrains à bâtir qui peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros au mètre carré dans les secteurs les plus recherchés. Cette catégorie d'actifs fonciers présente donc un potentiel de plus-value important, mais également une exposition accrue aux risques de retournement de marché.
Stratégies d'acquisition et modes de détention
L'acquisition et la détention de biens fonciers peuvent s'effectuer selon différentes modalités, chacune présentant des avantages et des inconvénients spécifiques en termes juridiques, fiscaux et patrimoniaux. Le choix du mode de détention le plus adapté dépend des objectifs de l'investisseur, de son horizon temporel, de sa situation familiale et fiscale, ainsi que de la nature du bien foncier concerné.
Société civile immobilière (SCI) et optimisation fiscale
La Société Civile Immobilière (SCI) constitue l'un des modes de détention les plus populaires pour les biens fonciers, particulièrement dans une optique de gestion patrimoniale familiale. Cette structure juridique permet de dissocier la propriété du bien de sa gestion, facilitant ainsi la transmission et la répartition des droits entre plusieurs associés.
En matière fiscale, la SCI présente plusieurs avantages potentiels. Dans le cas d'une SCI à l'impôt sur le revenu (IR), qui constitue le régime par défaut, les revenus et les charges liés au bien foncier sont répartis entre les associés proportionnellement à leurs parts dans le capital social. Chaque associé les intègre ensuite à sa déclaration personnelle d'impôt sur le revenu, ce qui permet une optimisation fiscale en fonction de la situation de chacun.
La SCI facilite également les opérations de transmission patrimoniale, notamment dans le cadre familial. La donation progressive de parts sociales permet d'anticiper la transmission du patrimoine foncier tout en bénéficiant des abattements fiscaux renouvelables tous les 15 ans. En outre, la SCI offre une protection contre les risques d'indivision forcée en cas de décès d'un associé, grâce à des clauses statutaires adaptées comme les clauses d'agrément ou de préemption.
Groupements fonciers agricoles (GFA) et transmission patrimoniale
Les Groupements Fonciers Agricoles (GFA) constituent un mode de détention spécifique aux terres agricoles, permettant à plusieurs investisseurs de se regrouper pour acquérir des biens fonciers agricoles. Cette structure présente de nombreux avantages, notamment en matière de transmission patrimoniale et de fiscalité.
Un GFA peut être familial, constitué uniquement de membres d'une même famille, ou investisseur, ouvert à des tiers. Dans le premier cas, il permet de maintenir l'unité d'une exploitation agricole familiale tout en facilitant sa transmission entre générations. Dans le second cas, il offre à des investisseurs non agriculteurs la possibilité de participer au financement du foncier agricole, généralement loué à un exploitant via un bail rural.
Sur le plan fiscal, les parts de GFA bénéficient d'un régime avantageux en matière de transmission. Un abattement de 75% sur la valeur des parts s'applique en cas de donation ou de succession, sous certaines conditions, notamment un engagement de conservation des biens pendant une durée minimale. Cette disposition, prévue par l'article 793 du Code général des impôts, fait du GFA un outil particulièrement efficace pour la transmission de patrimoine agricole.
Indivision et démembrement de propriété foncière
L'indivision constitue l'un des modes de détention les plus courants pour les biens fonciers, notamment dans le cadre de successions ou d'acquisitions conjointes. Ce régime juridique, régi par les articles 815 et suivants du Code civil, place le bien sous la propriété commune de plusieurs personnes, chacune détenant une quote-part. Si cette formule présente l'avantage de la simplicité, elle s'accompagne néanmoins de contraintes significatives, particulièrement en matière de gestion.
En effet, les décisions importantes relatives au bien en indivision requièrent généralement l'unanimité des indivisaires, ce qui peut paralyser la gestion en cas de désaccord. Même pour les actes d'administration courante, une majorité des deux tiers est nécessaire depuis la réforme de 2006. Cette complexité décisionnelle explique pourquoi l'indivision est souvent considérée comme une situation transitoire plutôt que comme un mode de détention pérenne pour les biens fonciers.
Le démembrement de propriété offre une alternative intéressante à l'indivision. Cette technique juridique consiste à séparer les attributs du droit de propriété entre plusieurs personnes : l'usufruit, qui confère le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les fruits, et la nue-propriété, qui correspond à la propriété du bien dépourvue de son usage immédiat. Dans le contexte foncier, le démembrement présente des avantages substantiels, notamment en matière d'optimisation fiscale et de transmission patrimoniale.
La valorisation respective de l'usufruit et de la nue-propriété varie en fonction de l'âge de l'usufruitier, selon un barème fiscal établi. Cette caractéristique fait du démembrement un outil particulièrement adapté aux stratégies de transmission anticipée du patrimoine foncier, permettant de réduire significativement l'assiette des droits de donation ou de succession.
SCPI et OPCI spécialisées dans le foncier
Pour les investisseurs désireux d'accéder au marché foncier sans les contraintes de la gestion directe, les véhicules d'investissement collectif offrent une solution particulièrement adaptée. Les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) et les Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) spécialisés dans le foncier permettent une mutualisation des investissements et des risques, tout en assurant une gestion professionnalisée des actifs.
Les SCPI foncières, encore relativement peu nombreuses sur le marché français, se concentrent principalement sur l'acquisition de terrains agricoles ou forestiers. Elles offrent aux investisseurs la possibilité de percevoir des revenus réguliers issus de l'exploitation de ces terrains, généralement via des baux ruraux ou des contrats d'exploitation forestière. Le ticket d'entrée, souvent accessible à partir de quelques milliers d'euros, rend ces véhicules particulièrement adaptés à une première diversification patrimoniale vers le foncier.
Les OPCI, structures plus récentes créées en 2007, présentent une politique d'investissement plus diversifiée qui peut inclure, outre les actifs immobiliers et fonciers (minimum 60% du patrimoine), une poche financière pouvant atteindre 35% et une réserve de liquidité d'au moins 5%. Certains OPCI thématiques s'intéressent spécifiquement au foncier, notamment dans le cadre de stratégies de développement ou de revalorisation de terrains.
Ces véhicules collectifs présentent plusieurs avantages pour les investisseurs : une diversification géographique et typologique des actifs fonciers, une liquidité supérieure à celle d'un investissement direct, et une gestion professionnelle assurée par des sociétés spécialisées. Leur régime fiscal suit généralement celui des revenus fonciers pour les SCPI, tandis que les OPCI bénéficient d'un régime fiscal spécifique pouvant s'avérer avantageux dans certaines configurations patrimoniales.
Rendement et valorisation des investissements fonciers
L'investissement foncier se distingue des autres classes d'actifs par la dualité de sa performance : d'une part, un rendement courant généralement modeste mais régulier, issu de l'exploitation du bien ; d'autre part, un potentiel de valorisation à long terme qui constitue souvent l'essentiel de la performance globale. Cette caractéristique en fait un placement particulièrement adapté aux stratégies patrimoniales de long terme, visant davantage la préservation et la transmission de capital que la génération de revenus immédiats.
Plus-values foncières dans les métropoles françaises
Les métropoles françaises ont connu ces dernières décennies une dynamique de valorisation foncière spectaculaire, particulièrement dans les zones périurbaines et les territoires bénéficiant d'infrastructures de transport nouvelles ou améliorées. Cette appréciation s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs : pression démographique, raréfaction des terrains constructibles, attractivité économique et résidentielle des grandes agglomérations.
À Paris et dans sa première couronne, le prix moyen des terrains constructibles a plus que triplé en vingt ans, atteignant désormais plusieurs milliers d'euros au mètre carré. Des métropoles régionales comme Lyon, Bordeaux ou Nantes ont connu des progressions similaires, quoique moins prononcées en valeur absolue. À Bordeaux, par exemple, l'arrivée de la LGV en 2017 a entraîné une hausse de plus de 60% des valeurs foncières dans certains quartiers sur la décennie 2010-2020.
Ces plus-values ne se limitent pas aux terrains déjà constructibles. Les modifications des documents d'urbanisme, fréquentes dans les zones en développement, peuvent entraîner des sauts de valeur considérables pour des terrains initialement non constructibles. Un hectare agricole en périphérie d'une métropole dynamique, valorisé à environ 10 000 €, peut ainsi voir son prix multiplié par 50 ou 100 suite à son classement en zone à urbaniser dans le PLU.
Les plus grandes plus-values foncières se réalisent généralement à l'interface entre rural et urbain, dans ce qu'on appelle le front d'urbanisation, où la conversion de terres agricoles en terrains constructibles génère une valorisation exceptionnelle, pouvant atteindre 10 000% dans certains cas extrêmes.
Fermage et métayage pour les terres agricoles
Les terres agricoles offrent aux investisseurs fonciers des modalités spécifiques de mise en valeur, dont les principales sont le fermage et, plus rarement aujourd'hui, le métayage. Ces formes de location agricole, strictement encadrées par le statut du fermage (loi du 13 avril 1946 modifiée), définissent les relations entre le propriétaire foncier et l'exploitant agricole.
Le fermage, mode de faire-valoir dominant en France (concernant plus de 75% des surfaces agricoles), consiste en une location des terres moyennant un loyer fixe appelé "fermage". Ce loyer est encadré par des arrêtés préfectoraux qui fixent, pour chaque région agricole, des minima et maxima à l'hectare en fonction de la qualité agronomique des terres. Le rendement locatif des terres agricoles louées en fermage oscille généralement entre 2% et 3,5% de leur valeur vénale, un niveau modeste qui s'explique par la forte protection accordée au fermier.
En effet, le statut du fermage confère au locataire des droits étendus, notamment un droit au renouvellement quasi-automatique du bail (d'une durée minimale de 9 ans), un droit de préemption en cas de vente, et une transmission facilitée du bail au sein du cadre familial. Ces dispositions, qui visent à protéger l'activité agricole, limitent considérablement la liquidité de l'investissement et expliquent la décote de 30% à 50% généralement observée entre terres libres et terres louées.
Le métayage, forme plus ancienne de location agricole qui implique un partage des récoltes et des charges entre propriétaire et exploitant, est devenu marginal en France. Ce mode d'exploitation concerne aujourd'hui moins de 0,1% des surfaces agricoles, principalement dans certains vignobles de prestige où il permet au propriétaire de conserver un lien plus étroit avec la production.
Revenus forestiers et dispositif monichon
L'investissement forestier génère plusieurs types de revenus, dont la temporalité et la régularité varient considérablement selon la nature et la maturité des peuplements. Le revenu principal provient de la vente de bois, qui peut intervenir de façon régulière (coupes d'éclaircie ou d'amélioration) ou plus espacée (coupes de régénération). Le rendement annuel moyen d'une forêt de production se situe généralement entre 1% et 3% de sa valeur, avec d'importantes variations selon les essences et les régions.
À ce rendement direct s'ajoute la croissance biologique des arbres, qui augmente progressivement la valeur du capital sur pied. Cette croissance, estimée en moyenne à 2% par an en volume pour les forêts françaises, contribue significativement à la performance globale de l'investissement forestier sur le long terme. D'autres sources de revenus peuvent compléter ce tableau : location du droit de chasse (particulièrement lucratif dans certaines régions), production de produits forestiers non ligneux (champignons, baies, liège...), ou encore valorisation de services écosystémiques (stockage de carbone, biodiversité).
Sur le plan fiscal, l'investissement forestier bénéficie en France de dispositifs particulièrement avantageux, dont le plus emblématique est sans doute l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, connue sous le nom de "dispositif Monichon" (article 793 du CGI). Ce mécanisme permet, sous certaines conditions, une exonération de 75% de la valeur des forêts lors des transmissions par donation ou succession. Le propriétaire doit notamment s'engager à appliquer une gestion durable pendant 30 ans et présenter un document de gestion agréé.
Les revenus forestiers bénéficient également d'un régime fiscal favorable, avec un forfait forestier généralement très inférieur au revenu réel, et la possibilité d'imputer certains déficits forestiers sur le revenu global dans la limite de 10 700 € par an. Ces avantages fiscaux, conjugués à la faible volatilité de la valeur des forêts, expliquent l'attrait croissant des investisseurs patrimoniaux pour cette classe d'actifs.
Évaluation de la valeur vénale par la méthode du commissariat général au développement durable
L'évaluation de la valeur vénale des biens fonciers constitue un exercice complexe, en raison de l'hétérogénéité des terrains et de la multiplicité des facteurs influençant leur prix. Pour répondre à ce défi, le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) a développé une méthodologie spécifique, devenue une référence en matière d'évaluation foncière en France.
Cette méthode repose sur une approche hédonique, qui décompose la valeur d'un bien foncier en fonction de ses différentes caractéristiques intrinsèques et extrinsèques. Pour un terrain constructible, par exemple, elle prendra en compte la surface, la forme, la pente, la nature du sol, mais aussi la localisation, la proximité des équipements et services, la qualité environnementale du secteur, et bien sûr les droits à construire attachés au terrain selon les documents d'urbanisme.
Le CGDD publie régulièrement des indices de prix fonciers qui constituent des références précieuses pour les acteurs du marché. Ces indices, disponibles à différentes échelles territoriales, permettent d'appréhender les dynamiques de valorisation foncière et d'anticiper les évolutions futures. Ils s'appuient sur les données des transactions réelles, collectées notamment à travers les bases notariales et les déclarations fiscales.
Pour les terrains non bâtis spécifiques comme les terres agricoles ou les forêts, la méthode intègre des paramètres adaptés tels que la qualité agronomique des sols, les droits d'exploitation attachés, ou encore, pour les forêts, la composition des peuplements et leur maturité. Cette approche multicritère permet une évaluation plus précise que les méthodes traditionnelles basées uniquement sur des comparaisons de transactions similaires, souvent peu nombreuses ou peu représentatives.
Fiscalité spécifique aux biens fonciers
La fiscalité applicable aux biens fonciers en France se caractérise par sa complexité et sa spécificité, avec des régimes distincts selon la nature des terrains et leur usage. Cette fiscalité intervient à plusieurs niveaux : lors de l'acquisition (droits de mutation), pendant la détention (taxe foncière, impôt sur la fortune immobilière), lors de la perception des revenus (revenus fonciers), et enfin à la cession (plus-values immobilières).
Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) s'appliquent lors de l'acquisition d'un bien foncier et s'élèvent généralement à environ 5,8% du prix d'achat pour les terrains à bâtir et les terrains d'agrément. Toutefois, des taux réduits s'appliquent pour certaines catégories de biens fonciers : 0,715% pour les terres agricoles acquises par un exploitant (sous certaines conditions), 2,5% pour les forêts et les bois. Ces taux préférentiels visent à favoriser le maintien des activités agricoles et forestières.
La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) constitue la principale imposition durant la phase de détention. Son montant résulte de l'application d'un taux voté par la collectivité locale à une valeur locative cadastrale, souvent largement sous-évaluée par rapport aux valeurs de marché actuelles. Des exonérations temporaires ou permanentes existent pour certaines catégories de terrains, notamment les jeunes plantations forestières (exonération de 30 ans), les terres agricoles exploitées selon le mode biologique (exonération de 5 ans), ou encore certaines zones humides ou protégées.
Les revenus générés par les biens fonciers sont généralement imposés dans la catégorie des revenus fonciers, avec application du barème progressif de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (17,2% en 2023). Pour les terres agricoles louées sous le régime du fermage, le propriétaire peut déduire certaines charges spécifiques comme les frais de gestion, les primes d'assurance, les dépenses d'amélioration non rentables, ou encore les frais de plantation ou de replantation.